Hello,
C’est suite à un thread de Pauline Mardoc sur twitter, à propos des éditeurs et plus généralement le monde de l’édition, que j’ai souhaité réaliser cette interview. On connait si mal le monde de l’édition, même en adorant la littérature, il est difficile de savoir ce qu’il se passe dans les coulisses d’un métier avant d’y avoir mis les pieds.
Et c’est avec enthousiasme qu’elle a souhaiter relever le défi de nous révéler quelques indiscrétions de son parcours mais aussi de son métier et je l’en remercie chaleureusement !

- Pouvez-vous vous présentez ? (Parcours scolaire et/ou personnel)
J’ai d’abord obtenu un bac littéraire (spé anglais et grec ancien) puis j’ai dû faire un choix entre une prépa littéraire ou une formation professionnalisante et, à 17 ans, j’ai privilégié cette dernière afin de me confronter plus vite au monde du travail et de déterminer si je faisais le bon choix de carrière !
J’ai donc intégré l’IUT infocom du Havre en métiers du livre et du patrimoine, une formation sur deux ans, diplômante, durant laquelle j’ai pu faire de chouettes stages à la Librairie La Galerne et aux éditions PTC, à Rouen, où j’ai obtenu mon premier CDD l’été suivant.
J’avais maintenant 19 ans, et je savais que je voulais poursuivre dans l’édition, c’est donc vers Paris que je me suis naturellement tournée. J’ai suivi une licence et un master 1 d’édition à Paris X, au pôle du livre de Saint-Cloud et effectué des stages chez Denoël, dans la collection d’imaginaire Lunes d’Encre et aux Presses de la cité. C’est parce que j’étais spécialisée en littératures de genre que mon profil a plu lorsque j’ai passé les sélections du master 2 édition de Paris IV. J’ai conclu mes études par un stage chez J’ai lu, pour les collections Darklight et Baam (déjà du YA !) puis j’ai bouclé mon troisième mémoire, sur la littérature vampirique (les deux précédents portaient sur la mauvaise réputation de l’imaginaire en France).
A l’époque, j’effectuais des piges pour des petits éditeurs (lectures, rewritings), j’ai aussi été une des premières community manager des Presses de la Cité ! C’est d’ailleurs eux qui m’ont rappelée pour mon vrai premier contrat long (d’où l’importance des stages !) ensuite je suis partie me mettre au vert à Budapest, et le jour de mon retour, un cabinet de recrutement m’appelait pour un job mystère : c’était en fait pour le lancement de la collection primo-numérique et francophone des éditions Harlequin, HQN, où je suis restée un an, avant de revenir aux Presses comme Chef correctrice, à la fin de mon contrat, j’ai signé celui de directrice de collection chez Pocket Jeunesse, c’était il y a 5 ans !
Chez PKJ, je m’occupe de la collection pour les 15 ans et plus. La direction de collection étant un job indépendant, j’ai dû, pendant 5 ans, combler mes revenus en acceptant des missions diverses, j’ai travaillé 6 mois à la BnF au dépôt légal du web, par exemple, et je collabore toujours avec J’ai lu, ma deuxième maison de coeur (encore une fois : l’importance des stages !) où je suis actuellement lectrice et rewritrice. J’ai repris mes études à la rentrée 2017 pour obtenir un deuxième M2, cette fois en traduction littéraire à Paris VII. J’ai fait mes débuts de traductrice en janvier de cette année et je cherche d’ailleurs des projets dans ce sens à l’heure actuelle !
- Comment voyez-vous le monde de l’édition ? Comment définiriez-vous le monde de l’édition aujourd’hui ?
Large question ! L’édition est le seul pan de l’industrie culturelle à résister à la révolution numérique, en France, c’est grâce à la loi sur le prix unique du livre. Je pense donc que le modèle français est toujours une exception sur le plan international, mais l’équilibre est précaire. En effet, les gros groupes sont détenus par des actionnaires qui imposent des obligations de rendement à une industrie par essence imprévisible, c’est une course pour trouver LA pépite qui permettra de financer le reste de la production, tout comme chez les petits éditeurs qui, eux, ne peuvent dépasser un certain seuil de taille sans se faire racheter. Je dirais donc que c’est un monde d’équilibristes.
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- Qu’est-ce qui rend, selon vous, un manuscrit publiable ?
Chez PKJ, nous fonctionnons au coup de coeur : si j’ai les larmes aux yeux, ou le coeur qui bat tout le long de ma lecture, alors c’est gagné. Pour que la magie opère, il faut que le livre soit sans défauts formels et que l’univers du roman soit rendu suffisant accessible au lecteur pour provoquer l’empathie. Il faut toujours penser au lecteur quand on écrit, c’est pour cela que le début du livre, qui nous introduit à l’histoire et aux personnages, est si important. Il faut que le premier chapitre soit au minimum intrigant, qu’on ait un aperçu du style, des personnages, sans que cela soit lourd pour le lecteur. Aussi, je conseillerais à tout écrivain de travailler le rythme, le rythme et le rythme : couper son texte est parfois pour le mieux, quand on se répète trop, ça peut lasser.
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- Quels éléments vous défendre un romans plutôt qu’un autre, pour une publication ?
Chez PKJ, je me fais un plaisir de pousser les projets que j’aurais aimé lire à l’adolescence. Tous ceux auxquels je n’avais pas accès car j’ai grandi avant l’explosion de la littérature YA. Tous les éditeurs ont leur spécialité, je dirais que la mienne est devenue la romance, de part mon expérience et parce que cela correspond aux attentes d’une grande partie du public. Je reste attachée aux romans de genre, quels qu’ils soient, qui savent rester grand public.
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- Quelles valeurs votre maison défend-elle ? (Harry Potter n’a cas bien se tenir !)
Nous n’avons pas vraiment de liste de valeurs à cocher pour chaque projet, mais les publications à destination de la jeunesse sont très surveillées en France par le ministère de la justice et celui de la jeunesse, ce qui est bien normal.
Au-delà de ça, je crois que j’enfonce une porte ouverte en disant que si l’on n’est pas bienveillant quand on publie des livres pour enfant, alors on n’a rien compris. Je crois que PKJ est connu pour avoir su prendre des risques éditoriaux à des moments clés, ce qui n’est pas évident dans les grands groupes, mais qui nous est permis par la ligne éditoriale impulsée par Natacha Derevitsky : on ne s’interdit rien, on va là où notre coeur nous porte.
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- Pouvez-vous nous retranscrire la journée type d’un éditeur
Il n’y en a tout simplement pas !
C’est un métier assez saisonnier qui dépend du flux de manuscrits que nous recevons, lui-même lié aux actualités rythmant l’année (notamment les salons de Francfort et Bologne). Il y a une partie travail d’entreprise bête et méchant : les mails, les réunions, la coordination des services.
La partie lecture de manuscrits est souvent relayée à notre temps libre (seul temps calme de la journée, quand le téléphone arrête de sonner !). Il y a beaucoup de rédactionnel, aussi bien les révisions de traduction ou le travail sur le texte avec un auteur français, que la rédaction d’argumentaires, de 4e de couverture, de programmes… Une grosse partie de notre travail est de convaincre, à la fois en interne, nos équipes de représentants, et nos lecteurs, bien sûr, en prenant part au travail de promotion (sur internet, lors de rencontres en librairie, sur les salons…)
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- Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?
La précarité de plus en plus grande. L’industrie culturelle externalise de plus en plus des postes qui étaient salariés, à plein temps, auparavant. Par exemple, je ne gagne honnêtement ma vie grâce à la collection que depuis janvier de cette année. Auparavant, j’étais sous le seuil de pauvreté.
Les directeurs de collection dépendant de la sécurité sociale des artistes-auteurs, même si cela est en train d’être remis en cause, personne ne sait vraiment où nous « caser » administrativement et nous souffrons beaucoup : pas de congés payés, pas de chômage, des cotisations qui augmentent de plus en plus.
Une partie de l’opinion publique estime que vivre d’un métier passion ne doit pas être rémunéré au même titre qu’une autre activité, ce qui est profondément injuste. Je n’ai jamais été, par exemple, aux 35h/semaine dans l’édition, il est rare qu’une semaine passe en-dessous des 45 heures de travail.
Il existe, comme partout, dans le monde pourtant très féminin de l’édition, un écart entre les revenus des hommes et des femmes, ce qui précarise d’autant plus les femmes par cumul de facteur : métier passion + grosse demande d’emploi dans ce secteur et faible offre + inégalités des revenus hommes/femmes.
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- Souhaitez-vous rajouter quelque chose ?
Je suis présente sur les réseaux sociaux, n’hésitez pas à venir me parler sur twitter ou facebook, j’aime beaucoup avoir des retours sur les titres de la collection !
Très belle interview !
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Oui je trouve aussi ^^ Je suis contente qu’elle est accepté d’y répondre !!
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Une interview très instructive. On y découvre aussi combien il est difficile de vivre de sa passion pour les livres. Merci à toutes les deux 🙂
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Oui j’ai l’impression que peut importe le métier il est toujours difficile d’en vivre 😅
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Mdr on fait le même constat ^^
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Merci pour cette interview qui permet de voir, en tant que lectrice, l’autre côté de l’édition…
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C’est aussi ce que j’ai pensé ^^ J’ai découvert pleins de choses de ce métier 😋
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